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Cap21 LRC Toulouse

Les incendiaires

12 Juillet 2016, 06:52am

Publié par Corinne Lepage

Barroso signe chez Goldman Sachs

Barroso signe chez Goldman Sachs

 

 

Après le Brexit, l'annonce de l'embauche de Monsieur Barroso par Goldman Sachs est probablement une des plus catastrophiques qui pouvait être faite. Certes, Monsieur Barroso a été un président particulièrement néfaste pour l'Union européenne. Mais, ses choix pouvaient être mis sur le compte d'une forme d'incompétence, jointe à une vision très personnelle de l'éthique.

En effet, après la mise en exergue des conflits d'intérêts inadmissibles au sein des agences européennes, qui s'étaient traduits par le refus de voter le quitus, et après des embauches hasardeuses de commissaires (mais sans doute beaucoup moins grave que la sienne), Monsieur Barroso avait décidé de doter la commission, d'un comité d'éthique. Les parlementaires européens attentifs à ces questions ne pouvaient que s'en réjouir... jusqu'au jour où nous avons découvert que le président de ce comité n'était autre qu'un ancien lobbyiste de Philip Morris.

Lors d'une audition organisée sur les conflits d'intérêts au sein de la commission et des agences, nous avions été une petite poignée de députés à interroger le représentant de la Commission, sur cette anomalie grossière. Il nous avait fait répondre, par ce fonctionnaire qui n'était pas habilité à le faire, qu'il n'y avait aucun problème ! Dans la même veine, l'embauche de Madame Anne Glover comme conseillère scientifique du président, alors que cette personne avait fait une grande partie de sa carrière au service de fondations financées par des multinationales, avait paru suspecte. L'interrogation était d'autant plus justifiée que Madame Glover n'avait cessé de prendre des positions favorables aux multinationales de l'agrochimie.

Durant son deuxième mandat, Monsieur Barroso n'a cessé de soutenir une position soi-disant dictée par la concurrence mais qui en réalité défavorisait systématiquement la constitution de grands groupes européens capables de s'opposer aux multinationales américaines et de prendre des positions systématiquement favorables, au moins dans le domaine de la santé environnement, aux Américains.

À titre d'exemple, la fameuse question de la consommation d'animaux clonés, à laquelle le Parlement européen était unanimement opposé et qui avait donné lieu, à la suite d'une nuit de négociations à un échec du trilogue (il s'agit de la réunion du conseil, de la commission et du Parlement, pour trouver une solution d'accord après la deuxième lecture d'un texte) était revenue sur la table au tout début de l'année 2014. En effet, la commission s'était engagée à proposer au Parlement un texte pour assurer l'étiquetage et la traçabilité des descendants d'animaux clonés.

Or, contre toute attente le texte proposé ne contenait aucune obligation d'étiquetage et de traçabilité. Le commissaire Borg, interrogé par nos soins, avait bien été obligé d'admettre que ce recul avait été fait à la demande des Américains dans le cadre de la préparation du TAFTA, voulu à tout prix par Monsieur Barroso. Et, les spécialistes de la finance pourraient examiner attentivement les oppositions que le commissaire Barnier a rencontrées au sein de la commission pour mettre en place une réglementation efficace dans le domaine financier.

L'embauche dans un délai relativement court (moins de deux ans) de Monsieur Barroso pose beaucoup de questions. Quand les pourparlers entre Monsieur Barroso et la banque Goldman Sachs ont-ils débuté ? Monsieur Barroso avait-il déjà dans l'esprit en tant que président de la commission de rejoindre cette banque ou avait-il déjà engagé des négociations avec d'autres grandes firmes américaines susceptibles de le recruter?

Le simple fait de poser ce type de questions parfaitement légitimes est catastrophique dans le climat actuel. Comment admettre que le plus haut personnage de l'Union européenne puisse être suspecté d'avoir favorisé sa carrière personnelle au détriment de l'intérêt de l'Union européenne? Peut-être n'en est-il rien mais le seul fait que la question puisse être posée dans le climat actuel est une pierre de plus à l'édifice hélas déjà solide des eurosceptiques.

Il est plus que temps qu'une législation sanctionnée pénalement se mette en place pour encadrer la gestion de la carrière des hauts fonctionnaires et commissaires de l'Union européenne comme celle du reste des parlementaires. La confiance se mérite et pour le moment malheureusement, après l'épisode Barroso, beaucoup reste à faire pour qu'elle soit méritée.

 

 

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/les-incendiaires_b_10931814.html

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