En 2030, les habitants des villes représenteront les trois quarts de la population mondiale. Les ensembles urbains sont donc promis à s’étendre et à gagner en complexité, s’apprêtant à accueillir des centaines de milliers de résidants supplémentaires. On imagine l’avenir, et les images défilent immédiatement, démesurées, brutales. Le regard prospectif se brouille face à un fouillis technologique et lumineux.

Le futur ne sera sans doute pas aussi sombre : le désir général semble celui d’une ville à taille humaine, agréable à vivre et facile à traverser. Et les citoyens se mobilisent pour cela. «De plus en plus de gens souhaitent faire les choses eux-mêmes, observe Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Environnement et président du parti Cap21. Des pratiques collaboratives se développent, comme le covoiturage, qui concerne 8% de la population. Ce n’est pas négligeable !»

Laboratoire. La résistance à l’urbanisation massive s’organise. De nouvelles catégories d’activistes urbains apparaissent : les «champions du local» (grassroots champions). Sans attendre l’intervention des pouvoirs publics, ils inventent, réparent, construisent. «Ce sont souvent des familles, jeunes et très investies dans la vie du quartier», note Thierry Marcou, directeur de programme à la Fondation Internet nouvelle génération (Fing). Lui voit la ville comme «un laboratoire des usages numériques». Grâce à Internet, on partage facilement sa voiture, son appart' et on vide son grenier sur Le Bon Coin.

Courage. Thierry Touchais, directeur général la fondation GoodPlanet, nuance : «Le progrès technologique est indispensable, mais il ne va pas nous sauver. Les solutions sont aussi liées au courage politique». Il cite l’exemple d’un péage urbain, à Stockholm, pour lequel la population a été consultée par référendum. Le projet a été adopté à une faible majorité (53%) mais en parallèle, la ville a mis en place des transports en commun très performants. Aujourd’hui, une large part des travailleurs ont laissé tomber la voiture pour le bus et le métro – le seul de Suède.

La mode reste malgré tout à la «smart city», une ville connectée dopée aux innovations pour s’améliorer et traquer ses moindres défauts : analyses des big data (mégadonnées), capteurs souterrains pour détecter les failles, les fuites. «Le lieu emblématique de la smart city, c’est la salle de contrôle de Rio de Janeiro, construite pour éviter les inondations dans les favelas, expose Thierry Marcou. Mais c’est aussi symptomatique : la salle est une pièce aveugle, repliée sur elle-même. Le point faible de la smart city, c’est qu’elle reste réservée à un certain nombre d’experts.»

Une main se lève dans l’assistance. Et la verdure, les jardins suspendus par exemple ? La «ville verte» paraît avoir été enterrée, au moins durant le débat, sous une coulée de clics et de béton. Corinne Lepage rassure : oui, l’agriculture urbaine se développe et gagne les immeubles eux-mêmes. «Une start-up canadienne monte des serres en haut des tours, confirme Thierry Touchais. La production est même vendue au pied de l’immeuble.» Avenir champêtre alléchant. Les pommes et les carottes poussent sur les toits, entretenues par les habitants du quartier, tout à la fois jardiniers, «champions du local» et nouveaux commerçants de proximité. On a déjà trouvé leur slogan : «Ma cité va croquer».

Guillaume PAJOT

 

Source : Libération

http://www.liberation.fr/evenements-libe/2014/10/25/ma-cite-va-croquer_1129481