La classe politique française n’aime pas la justice et la France a bien du mal à s’inscrire dans un État de droit.
Dans le pays de Montesquieu, le pouvoir judiciaire n’est pas reconnu puisqu’il ne s’agit dans la Constitution que d’une Institution judiciaire. Les gouvernements successifs n’ont cessé de réduire les moyens de la justice d’où des lenteurs procédurales inacceptables dans un pays démocratique, des conditions de travail moyenâgeuses et un manque criant de magistrats en particulier dans les affaires qui retiennent l’attention médiatique : affaires politiques ou financières, affaires sanitaires et environnementales.
Cette situation a permis d’instaurer une forme d’impunité pour les dirigeants politiques comme du reste pour les grands dirigeants économiques, en raison de la lenteur de procédures particulièrement alambiquées, qui conduisent, dans les meilleurs cas, à des décisions 10 ans, 15 ans, 20 ans après les faits sauf quelques exceptions comme l’affaire Cahuzac.
Lors de cette élection présidentielle très particulière, nous assistons à la collision entre des pratiques indignes d’un pays démocratique et les difficultés habituelles de l’institution judiciaire. Lorsque, aux États-Unis, il a été question que Hillary Clinton soit poursuivie pendant la campagne présidentielle pour ses mails, personne n’a remis en cause le droit pour la justice de s’intéresser à une infraction potentielle y compris pendant la période électorale. En France, il faudrait que la justice s’arrête pour permettre à l’impunité temporaire de l’emporter au motif que nous sommes en période électorale. Ainsi, serait-il préférable d’élire une personnalité susceptible d’être ultérieurement condamnée et sur la tête de laquelle pèserait durant tout son mandat ce risque plutôt que de laisser la justice faire son travail et permettre aux électeurs de voter en connaissance de cause.
La courte échelle que François Fillon et Marine Le Pen sont en train de se faire pour contester la justice, et en ce qui concerne la candidate frontiste pour la menacer (ce qui pose évidemment un problème pour une personne prétendant être la garante des institutions), est un danger majeur pour la démocratie. Les menaces à l’égard des magistrats qui feraient leur travail, le refus de Marine Le Pen de répondre à une convocation, alors même que la Cour de Justice de l’Union européenne a eu l’occasion de se prononcer sur le bien-fondé de la réclamation faite à l’encontre des dirigeants frontistes par le Parlement européen pour le remboursement des salaires, constituent des actes extrêmement graves qui s’éloignent dangereusement du système démocratique.
Bref, la situation présente conduit à deux conclusions : d’une part, le renforcement de l’indépendance de la justice est un impératif de telle sorte que des invectives navrantes comme celle que nous entendons aujourd’hui ne puissent plus se produire. Cela passe par la reconnaissance d’un pouvoir judiciaire dans la Constitution, l’indépendance du parquet, le renforcement de l’indépendance du Conseil Supérieur de la Magistrature et des moyens convenables pour travailler. D’autre part, le comportement d’un certain nombre d’hommes et de femmes politiques, qui prennent leurs concitoyens pour des imbéciles et considèrent que la fonction politique les met au-dessus de la justice alors qu’elle ne fait qu’exiger plus de leur part, est indigne de notre pays. Pour s’en convaincre, il suffit du reste de lire la presse étrangère pour laquelle nous sommes devenus un exemple de république bananière.
Corinne Lepage
Vous connaissez mes engagements politiques, mais ma vie ne se limite pas à de la politique politicienne. Avocate, j’ai plaidé dans de nombreuses affaires liées à la défense de notre environnement. A travers de nombreux ouvrages j’ai décrypté le monde tel qu’il est et proposé des solutions pour améliorer certes notre environnement, mais aussi les conditions de vie de ceux qui le peuplent, de tous ceux qui espèrent mieux y vivre, de vous, de moi, de nous citoyens.