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Cap21 LRC Toulouse

Pourquoi tuer l'économie française?

19 Mai 2016, 06:47am

Publié par Corinne Lepage

Pourquoi tuer l'économie française?

 

Le choix de maintenir le tout nucléaire alors que l'énergie nucléaire est en passe de devenir la plus chère du monde, que le fiasco de l'EPR est avéré, que nos centrales vieillissantes sont mises en cause par nos voisins, qu'Areva est au bord du dépôt de bilan, que des fraudes sont présumées dans les contrôles de la construction de réacteurs, et qu'enfin EDF est dans l'incapacité de faire face à ses obligations relève déjà de l'irrationnel, ce que nous allons payer à tout point de vue extrêmement cher.

Mais l'annonce faite par le président de la République de maintenir le projet d'Hinckley Point contre vents et marées relève-t-elle de la tragédie d'autant plus qu'elle s'accompagne de la vente de bijoux de famille sous la forme d'actions dont l'État est propriétaire?

Non content d'avoir, grâce à la brillante politique suivie depuis plusieurs années, perdu 70 milliards d'euros dans la capitalisation d'EDF, l'État s'apprête à vendre les actions de Renault et de Peugeot dont les cours ont immédiatement et brutalement fléchi, à l'annonce de cette décision. Autrement dit, nous vendons des actions dans des entreprises qui sont rentables pour investir dans une technologie totalement dépassée et pour laquelle, aucune banque n'accepte aujourd'hui de mettre un centime.

En effet, il faut savoir que pour le projet d'Hinckley Point, aucun emprunt n'a été consenti. Cela signifie que ce projet déraisonnable et dont on ne sait du reste s'il verra le jour plus que Flamanville ou Okilotu, ne peut être financé que sur des fonds propres d'EDF qui n'en a pas les moyens? En conséquence, c'est l'État qui recapitalise EDF au moyen de la vente du patrimoine national. C'est dramatique d'absurdité, d'irrationalité et de condamnation à terme de l'économie française. C'est d'autant plus absurde qu'il s'agit évidemment d'aides d'État. La commission européenne a ouvert un dossier à cet égard, dont le traitement sera d'autant plus délicat que la cour de justice est déjà saisie par l'Autriche du caractère d'État que constitue l'engagement du Royaume-Uni d'acheter durant 35 ans le courant d'Hinckley Point- à supposer qu'il soit produit un jour- au prix de 120 euros le mégawatt heure.

Quel organisme est-il aujourd'hui suffisamment indépendant du lobby nucléaire pour pouvoir siffler la fin de la récréation et appeler absurde ce qui est un choix absurde. La folie nucléaire de l'État et de l'industrie nucléaire nous conduisent à une catastrophe inéluctable, non seulement par le risque nucléaire qui ne cesse de croître - et il faut à cet égard entendre les mises en garde de l'Autorité de Sûreté Nucléaire- mais aussi par le risque de banqueroute des entreprises du nucléaire sans parler comme l'a très joliment dit Grégory Lamotte de faire d'EDF le Kodak de l'énergie. La Cour des Comptes, qui a eu le courage d'évaluer la réalité du coût du kilowattheure nucléaire, de souligner l'impossibilité pour la France de remplir les obligations communautaires qui sont les siennes en termes de renouvelable, ne peut-elle se saisir de ce dossier et émettre un avis avant qu'il ne soit trop tard?

Même Fessenheim est mise à contribution pour renflouer EDF. En effet, quoi qu'en disent le président de la République et la ministre de l'écologie, un décret de fermeture de Fessenheim en juin est peut-être possible sur le papier, mais totalement impossible légalement. En effet, le code de l'environnement ne prévoit que deux cas de décret de mise à l'arrêt définitif de centrales nucléaires. Le premier cas (L.593-23 du code de l'environnement) est celui de la messe à l'arrêt définitif du démantèlement d'une installation nucléaire de base présentant des risques graves qui ne peuvent être prévenus. Le second cas est celui de l'article L.593 -26 qui est un arrêt définitif à la demande de l'exploitant qui doit faire une déclaration au moins deux ans avant la date de celle-ci, qui fait l'objet d'une instruction et se termine par un décret.

Or, le gouvernement a fait en sorte que le conseil d'État juge qu'il n'y avait pas de risque suffisant à Fessenheim pour justifier la fermeture, même si ce point de vue est éminemment contestable. Et même si EDF déposait une demande de fermeture, il faudrait des mois et des mois avant que n'intervienne un décret. Cela signifie donc qu'un décret de fermeture ne reposerait sur aucune base légale, ce que le gouvernement ne peut ignorer. Autrement dit un décret serait volontairement illégal, ouvrant droit à indemnité et serait bien entendu susceptible d'annulation.

Dans un pays endetté comme nous le sommes, qui a tant besoin d'investir sur les nouveaux marchés et sur la transition énergétique, supporter les choix qui sont faits actuellement en contradiction flagrante avec nos engagements communautaires, nos engagements internationaux et même la loi sur la transition énergétique est catastrophique. Cela constituera à n'en pas douter un handicap supplémentaire pour les années à venir.

 

Corinne Lepage Devenez fan 

Avocate, Ancienne députée européenne Cap21, ancienne ministre de l'Environnement

 

Source :  Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/pourquoi-tuer-lconomie-francaise_b_10029922.html

 

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