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Cap21 LRC Toulouse

Les vrais abstentionnistes des européennes: la partitocratie et les médias

23 Avril 2014, 05:49am

Publié par Corinne Lepage

Les vrais abstentionnistes des européennes: la partitocratie et les médias

La Honte ! Alors que les élections européennes sont dans moins de 6 semaines, le débat ne démarre pas et comme l'écrit Jacques Attali dans sa tribune hebdomadaire, il ne démarrera pas. Une grande partie est de la faute aux grands partis PS comme UMP qui, incapables d'avoir en interne une vision partagée de l'avenir de l'Europe, préfèrent donc éluder le débat pour le déléguer aux seuls candidats de manière locale. Cette attitude est confortée par un comportement parfaitement méprisant, tant à l'égard des institutions européennes que des citoyens dans le choix des candidats pour recaser les recalés des précédents suffrages.

Mais on ne peut pas négliger une part de la faute aux médias, qui, après avoir déroulé le tapis rouge à Marine Le Pen, continuent ce jeu en présentant les élections européennes comme un enjeu national FN contre UMPS, en prenant bien soin d'écarter du débat ceux qui ont des propositions en termes de candidats et de projets alternatifs. Et j'imagine déjà les commentaires le soir du 25 mai sur l'abstention ! L'abstention trouve aussi aujourd'hui son expression, dans l'absence de débat, Mesdames, Messieurs les journalistes !

Combien de médias français n'ont pas de correspondants accrédités auprès de l'UE ?

Combien de médias français n'ont qu'un journaliste qui couvre l'intégralité des institutions européennes et donc ne s'intéressent uniquement qu'à la forme et jamais au fond ?

Combien de journalistes comprennent la procédure de codécision et font la différence entre un rapport d'initiative, une directive ou un règlement et je passe les procédures de comitologie ?

Combien de journalistes connaissent les compétences UE et la subsidiarité ?

Le plus flagrant exemple reste tout de même les derniers rapports sur le droit des femmes (et la manipulation par le camp des conservateurs) ou sur une question sociétale et de principe pour laquelle nous avons affaire à de la subsidiarité. La couverture média était disproportionnée quand, dans le même temps, nous votions les paquets climat-énergie où les enjeux financiers et d'emplois étaient colossaux !

 

Et pourtant, les sujets ne manquent pas et ne se limitent pas au choix binaire et imbécile: pour ou contre l'Europe ou encore pour une Europe utopique qui ne pourrait résulter que de la modification plus qu'aléatoire des traités. Comment redonner envie d'Europe à des citoyens déçus auxquels les gouvernements successifs serinent depuis des années que tous leurs malheurs viennent de Bruxelles, thèse reprise en boucle par des médias qui refusent en revanche de souligner les avantages tirés de l'Europe comme par exemple très récemment la division par dix des factures de mobiles pour les communications transfrontières (ce sont les Etats dont la France qui se sont opposés à la disparition du surcoût « roaming »), le rejet par le Parlement européen d'ACTA, la mise en place de normes communautaires en matière de santé et d'environnement afin de protéger les populations ou encore la décision de la CJUE sur la protection des données personnelles cette semaine. Quand on ne veut plus de son chien, il est facile de faire croire qu'il a la rage.

Pourquoi ne pas dire que l'Europe est l'avenir de nos enfants dans un monde dans lequel elle ne pèse que 15% de la population mondiale et la France près de 1%? Pourquoi ne pas dire que les grands enjeux climatiques et sanitaires ne peuvent être gérés qu'au niveau européen et que l'autonomie ou la souveraineté alimentaire, énergétique, numérique se jouent au niveau de l'Union et pas de notre pays? Pourquoi s'avouer battus alors que nous avons le premier marché rentable du monde avec 500 millions de personnes, le premier PIB du monde et des leaders économiques mondiaux?

Les choix de la Commission Barroso n'ont pas été les bons et les dérives trop libérales de l'Europe, sous la pression d'une part des lobbys trop influents, qui ont fait souffrir nos concitoyens et, d'autre part, de politiques à l'absence de vision stratégique et dont la réélection dépend du bouc-émissaire que l'on peut stigmatiser. Mais cela n'est pas une fatalité. Une politique d'investissements massifs au niveau communautaire est possible sans pour autant peser pas sur les dettes publiques des Etats. Il suffirait à l'Union d'emprunter pour financer les grands projets de transition énergétique, de gestion des données numériques à l'échelle de l'Europe, d'investissement dans la chimie verte, la robotique ou les sciences cognitives. Les projets ne manquent pas, mais les moyens davantage car nous ne voulons pas nous les donner.

De même n'est pas une fatalité, la soumission de tous les intérêts généraux à commencer par la santé et le long terme, au court-termisme et à la rentabilité immédiate. Ce sont des humains qui décident et personne d 'autre. Ce n'est pas une fatalité si les députés français qui se font le plus entendre sont ceux qui ont été les plus inutiles au Parlement européen, privilégiant leur vie politique nationale à leurs mandats. Ce n'est pas une fatalité si des députés sont à l'écoute des lobbys et si d'autres privilégient les choix partisans nationaux à l'intérêt général.

Oui, les électeurs peuvent changer de représentants et élire des acteurs de la société civile qui défendent une autre logique, qui sont des gens pragmatiques et non idéologues, qui ont à leur actif des réalisations qui ont été utiles à leurs concitoyens, qui ont les pieds dans le quotidien citoyen. Mais encore faudrait-il que les débats s'ouvrent, leur permettant de s'exprimer. Or, par manque d'audace, de clairvoyance ou de maîtrise des sujets, le débat public est cloisonné et peu importe les abstentionnistes et le FN. L'essentiel sera sauvegardé: des jobs pour les sortants et apparatchiks en défaut de mandats, issus des formations politiques classiques.
Les français peuvent-ils s'en contenter ?

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/abstentionnistes-europeennes-la-partitocratie-et-les-medias_b_5174252.html?utm_hp_ref=tw

 

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