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Cap21 LRC Toulouse

Corinne Lepage : "Regardons le visage des victimes du Round up"

17 Octobre 2017, 14:20pm

Publié par Corinne Lepage

TRIBUNE - L'avocate Corinne Lepage, ex-ministre de l'Environnement et fondatrice de l'association "Justice et pesticides", revient pour le JDD sur le scandale entourrant le glyphosate, que l'Union européenne doit interdire ou non dans les prochains jours.

Corinne Lepage dénonce depuis plusieurs années les conséquences néfastes de l'usage du glyphosate.

Corinne Lepage dénonce depuis plusieurs années les conséquences néfastes de l'usage du glyphosate.

"Le fait que le glyphosate, commercialisé depuis 1974, principal composant du Roundup de Monsanto comme de plusieurs centaines de désherbants, se retrouve à la Une ne doit rien au hasard. Ce produit symbolise l’empoisonnement planétaire par les pesticides, la faillite des agences d’expertise publique et des gouvernements à ce qui est pourtant leur première obligation : assurer l’intégrité des personnes et donner la priorité à la santé publique.

Dans ce contexte, le nouveau film de la journaliste d’investigation Marie Monique Robin est non seulement un choc salutaire mais aussi un hymne à l’humanité, à la vie et à la solidarité. Dans Le Roundup face à ses juges, diffusé mardi soir à 20h50 sur Arte, la réalisatrice du Monde selon Monsanto franchit une nouvelle étape. Grâce aux images très fortes qu’elle a su capter lors du Tribunal international Monsanto, un procès citoyen organisé à La Haye en octobre 2016, elle montre que la violation des droits impacte des centaines de milliers de personnes à travers le monde.

Lorsque le pesticide le plus utilisé au monde induit partout les mêmes effets, comment nier le lien de causalité?

Le petit Français Théo ou la petite Argentine Martina, atteints de malformations congénitales, Christine Sheppard, productrice de café à Hawaï frappée par un lymphome, les riziculteurs du Sri Lanka décimés par une maladie chronique rénale : venus des cinq continents, les témoins racontent à la barre les ravages sanitaires, environnementaux et sociaux provoqués par les désherbants à base de glyphosate.

Lorsque le pesticide le plus utilisé au monde induit partout les mêmes effets, comment nier le lien de causalité? Comme les récents articles du Monde basés sur l’analyse des 'Monsanto Papers' (documents internes rendus publics dans le cadre d’une action collective aux Etats-Unis), l’enquête de Marie-Monique Robin (également publiée sous la forme d’un livre aux éditions La Découverte) accrédite, preuves à l’appui, les témoignages des victimes venues à La Haye. Tous les moyens ont été employés par Monsanto pour maintenir sur le marché un herbicide hautement toxique : agressions contre les chercheurs indépendants, fausses études, pressions sur les agences de réglementation, infiltration des revues scientifiques, utilisation des réseaux sociaux pour organiser la désinformation.

Un scientifique norvégien révèle ainsi face caméra que la multinationale a conduit des études frauduleuses pour prétendre que le glyphosate était 'pratiquement non toxique' ; un chercheur américain, qui a eu accès au dossier d’homologation du produit aux Etats-Unis, explique, lui, que la firme a caché des études montrant que la molécule était cancérogène pouvait causer des malformations ou s’accumuler dans les organismes vivants et les sols.

Autres révélations : certaines propriétés du produit sont totalement ignorées par les agences. Le premier brevet sur le glyphosate, obtenu en 1964, est celui d’un redoutable chélateur de métaux, c’est-à-dire d’une substance qui a la capacité de les séquestrer et de les extraire de leur environnement et à ce titre constitue un détergent puissant pour détartrer les chaudières et canalisations d’eau!

Aller au-delà du triste constat et permettre le partage d’expérience

De plus, la molécule est un antibiotique à large spectre, d’ailleurs breveté comme médicament par Monsanto en 2010. Comment imaginer que les autorités n’en tiennent pas compte? Le produit s’est accumulé dans les sols, provoquant l’émergence d’une quarantaine de maladies dans les champs de soja et de maïs transgéniques. Importés des Etats-Unis ou d’Argentine, ces OGM imbibés de glyphosate nourrissent les poules, les vaches et les cochons européens et les rendent malades. Quand on sait que tous les citoyens européens et américains présentent des résidus de glyphosate dans leurs organismes, on a quelques raisons de s’inquiéter…

L’association 'Justice et pesticides' a l’ambition d’aller au-delà de ce triste constat et de permettre la mise en réseau et le partage d’expérience. Notre objectif est que les milliers de victimes des pesticides s’appuient sur une jurisprudence commune, dont l’opinion juridique rendue par le tribunal de La Haye constituera un élément central.

Grâce au film de Marie-Monique Robin, les victimes ont désormais un visage. Leur nombre surpassera sûrement celui de toutes celles des catastrophes technologiques du XXe siècle. Car le poison est partout, dans nos nappes phréatiques, nos sols, nos aliments et nos corps. Le documentaire contribuera à l’évidence à hâter l’interdiction du glyphosate, à rechercher les responsabilités de cette tragédie planétaire et à permettre à chacun de comprendre que notre modèle d’agriculture doit impérativement changer. La bonne nouvelle c’est que nous pouvons le faire."

Le Roundup face à ses juges, de Marie-Monique Robin, mardi à 20h50 sur Arte.

http://boutique.arte.tv/f12072-roundup_face_ses_juges/

Voir aussi le site de l’association "Justice et pesticides"

@JusticePesticid

Par Corinne Lepage

 

Source : JDD

http://www.lejdd.fr/societe/corinne-lepage-regardons-le-visage-des-victimes-du-round-up-3466820

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