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Cap21 LRC Toulouse

Oui à un véto de l'UE contre le mariage Bayer-Monsanto

24 Octobre 2016, 10:37am

Publié par Corinne Lepage

Aussi important pour l'avenir que le refus du CETA et du TAFTA, le refus du mariage Bayer/Monsanto est un impératif.

Des produits "Roundup" de Monsanto.

Des produits "Roundup" de Monsanto.

 

Pourquoi la Commission doit refuser le mariage Monsanto/Bayer

Les débats du tribunal international Monsanto ont permis de mettre en lumière deux constats extrêmement puissants :

D'une part, cela peut paraître une évidence, mais les mêmes causes produisent les mêmes effets. Au Sri Lanka, en Colombie, au Mexique, en Inde ou en Europe, l'utilisation du glyphosate et du round up, en particulier par épandage, produit les mêmes malformations en particulier de l'œsophage chez les enfants, les mêmes pathologies (lymphome non hodgkinien en particulier), les mêmes pollutions de l'eau et des sols, la même mort des terres, les mêmes détresses des agriculteurs utilisateurs d'OGM et en particulier de coton BT. Leurs autorisations reposent sur le même refus d'études à long terme, la mise à mort scientifique et médiatique des scientifiques qui apportent des évidences sur la toxicité de ses produits, les mêmes conflits d'intérêts, portes tournantes et soupçons sur l'intégrité des décideurs.

 

D'autre part, les procès se multiplient qui, parfois, aboutissent comme au Sri Lanka, au Burkina Faso, au Mexique, au Canada (Percy Schmeiser) et même en France avec le procès de Paul François à propos du Lasso. Aux États-Unis et en France, Monsanto a été condamné pour publicité mensongère pour avoir vendu le round-up comme produit biodégradable ce qu'il n'est évidemment pas. Il est vrai que dans beaucoup de pays, la corruption, les pressions, l'absence de moyens financiers des victimes pour apporter les preuves -parfois impossibles- demandées, les procès se révèlent impossibles ou échouent avec parfois des décisions rocambolesques.

 

Il n'en demeure pas moins que l'étau se resserre car les études scientifiques sont de plus en plus nombreuses et de mieux en mieux documentées, les pressions exercées sur les chercheurs parfaitement décrites comme les procédés de "mauvaise science" (bad science) mis en place par Monsanto et admis par un certain nombre d'organes d'expertise réglementaire. Or, ce procès de "mauvaise science" est le grand argument de Monsanto à l'encontre de ses détracteurs, alors même que les études sur lesquelles se fondent Monsanto ne sont quasiment jamais soumises à des comités de relecture par des pairs, à l'inverse des études scientifiques menées par des chercheurs publics. L'étau se resserre car les décisions de justice commencent à tomber même si l'indemnisation des victimes reste pour le moment extrêmement faible. Mais Monsanto sait pertinemment qu'à terme son système pourrait être condamné par le succès de procédures qui commencent à être menées dans le monde entier.

 

Et c'est là qu'intervient le mariage avec Bayer. Nous avons été nombreux à nous interroger sur les raisons pour lesquelles Bayer acceptait de payer bien au-dessus du prix du marché Monsanto. Monsanto aurait provisionné 250 millions de dollars pour les préjudices que cette entreprise aurait causés. C'est ridicule au regard de l'importance des dommages tant humains qu'environnementaux. La question est donc celle de savoir qui à l'avenir va porter la charge de l'indemnisation de ces préjudices. La réponse risque d'être : personne. En effet, la fusion va permettre de faire disparaître le nom de Monsanto, mais bien entendu de pouvoir continuer à vendre ses produits, éventuellement sous un nom différent, avec un double avantage : se débarrasser de l'image détestable de Monsanto et rendre sur le plan procédural la tâche des victimes infiniment plus difficile. Mais, dans les conditions ce mariage que nous ne connaissons évidemment pas, qu'en est-il de la responsabilité de Monsanto pour le passé ? Bayer accepte-t-il de la porter ? Le prix très élevé d'acquisition ne cache-t-il pas un arrangement à cet égard ? Si c'était le cas, les victimes risqueraient, même en cas de succès de leur procédure de n'être jamais indemnisées, ce qui poserait évidemment la responsabilité des Etats d'avoir laissé faire et ferait en définitive peser sur les contribuables la charge de la réparation des victimes. Et, de toute façon, alors que le principe pollueur-payeur devrait mettre à la charge de Monsanto la dépollution des terres et des eaux totalement contaminées, ce sont évidemment les contribuables qui en définitive devront assumer les coûts, et de surcroît les contribuables qui ne sont pas encore nés aujourd'hui.

Et, si la Commission européenne acceptait ce mariage, et que la question de la responsabilité ne soit pas très clairement tranchée en faveur des victimes, elle porterait également une responsabilité juridique . C'est donc une première raison pour refuser ce mariage.

Il en est une seconde propre au droit de la concurrence.

En réalité, nous sommes en train d'assister au partage du monde entier entre trois entités. L'Europe et l'Amérique du Nord ont Bayer/Monsanto, l'Asie a Syngenta/ChemChina et l'Amérique et l'Australie ont Dow Chimical/Dupont. Est-ce acceptable de laisser le sujet le plus important pour l'humanité à savoir son alimentation, et dans une certaine mesure sa santé, à la disposition de trois entités gigantesques, infiniment plus fortes que les Etats qui pourront vendre ce qu'elles voudront, à qui elles voudront, au prix qu'elles voudront ? Peut-on accepter que la Commission européenne, qui a mené une politique drastique à l'égard des entreprises européennes qui souhaitaient s'unir, au point d'avoir considérablement affaibli le continent européen au regard de l'Asie et des États-Unis, donne son feu vert à ce mariage inacceptable ? Ou sera la concurrence ? Comment les semences produites par les paysans, les semences traditionnelles pourront-elles encore garder une place même modeste ? Comment la santé des humains mise à mal par les produits phytosanitaires et peut-être par les OGM pourra-t-elle être protégée lorsque le monopole des semences qui conduit au monopole des engrais et des phytosanitaires sera acquis ? comment les agriculteurs auront-ils encore un choix ? Comment la biodiversité ou ce qu'il en reste pourra être sauvegardée lorsque ces mastodontes auront décidé de limiter à quelques espèces les semences mises sur le marché ? Enfin, que restera-t-il de la prétendue non brevetabilité du vivant, lorsque cet oligopole pourra imposer en toute quiétude les OGM, anciens, nouveaux, cachés ou non.

Aussi important pour l'avenir que le refus du CETA et du TAFTA, le refus du mariage Bayer/Monsanto est un impératif.

Pour marquer votre opposition à ce mariage et demander à la commission de s'y opposer rejoignez la pétition sur change.org

Source : HuffingtonPost

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/veto-ue-bayer-monsanto/

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