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Cap21 LRC Toulouse

L'erreur de la loi Macron : l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure

10 Juillet 2015, 13:47pm

Publié par Corinne Lepage

L'enfouissement des déchets à Bure présente dans la Loi Macron l'archétype d'un cavalier législatif anticonstitutionnel.

L'enfouissement des déchets à Bure présente dans la Loi Macron l'archétype d'un cavalier législatif anticonstitutionnel.

 

POLITIQUE - En votant en catimini et sans aucun débat, dans le cadre de la loi Macron qui n'a aucun rapport, une disposition pour valider l'enfouissement des déchets nucléaires à Bure, le Parlement a non seulement commis une erreur; il a commis une faute.

Elle est tout d'abord juridique, mais c'est la moindre. En effet, la jurisprudence du Conseil constitutionnel sanctionne les cavaliers législatifs comme les cavaliers budgétaires. Depuis une décision du 10 juillet 1985, le Conseil vérifie que les amendements ne sont pas dépourvus de tout lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi initial. Dans le cas contraire, il s'agit de "cavaliers législatifs". Une note du service juridique du Conseil constitutionnel analyse très précisément une abondante jurisprudence qui sanctionne régulièrement de tels procédés. La décision n°2005-532 DC du 19 janvier 2006 fixe un cadre précis conduisant à l'inconstitutionnalité de dispositions votées autrement que dans les conditions prévues aux articles de la Constitution et contrairement "aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire et aux règles de recevabilité ainsi qu'à la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie". Pour un exemple plus récent, le Conseil Constitutionnel a sanctionné l'article 153 de la loi ALUR comme un cavalier législatif. Dans la mesure où le Conseil constitutionnel est saisi de la loi Macron, il faut espérer que la même jurisprudence sera appliquée.

C'est en second lieu une faute technique. Comment comprendre en effet alors que le scandale de l'EPR de Flamanville ne fait que commencer, avec la révélation d'un comportement irresponsable et incompréhensible d'Areva, que le Parlement se laisse berner par une industrie nucléaire aux abois. Rappelons pour l'anecdote que l'EPR a fait l'objet d'une loi en 2005. Beau précédent! Quoiqu'il en soit, ce vote intervient alors même que l'autorité de sûreté nucléaire a fait connaître en décembre 2014 les règles auxquelles ce projet devrait répondre et auxquelles en l'état actuel, il ne répond en aucune manière. Le dernier rapport de l'IRSN, daté du 24 avril, montre très clairement les risques considérables auxquels est exposé cette installation et qui en l'état actuel ne sont pas résolus. Si on ajoute à ces très grandes incertitudes techniques, le coût financier de l'ordre de de 30 milliard d'euros au départ, l'empressement du Parlement à répondre à l'amendement du sénateur Longuet, connu comme étant un des plus ardent avocat du lobby nucléaire, est déraisonnable et ce d'autant plus qu'il n'y a strictement aucune urgence. En effet, le premier colis ne devrait être livré à Bure que dans quatre ou cinq décennies; le Parlement s'est déjà couvert une fois de ridicule avec l'EPR; il n'était pas obligé de recommencer avec Bure.

Enfin, c'est une faute politique majeure. En effet, ce vote à l'arraché et à l'opposé de ce que l'on pourrait attendre d'un Parlement démocratique doit être comparé avec le rapport remarquable qu'avait remis la conférence de consensus, composée d'un panel de citoyens, à la suite d'un débat d'experts. Ce rapport qui n'était pas intrinsèquement hostile au projet en montrait néanmoins les contradictions indubitables, en particulier sur la prétendue réversibilité affichée par l'ANDRA mais purement virtuelle, les risques non maîtrisés et surtout la possibilité de disposer de temps pour choisir de réaliser ou non ce projet. Ce vote, non réfléchi, dans un réflexe pavlovien de soutien à toute demande du lobby nucléaire quel qu'elle soit ne grandit vraiment pas l'institution parlementaire. Et pour une fois, la croissance économique, qui, généralement a très bon dos n'exige en rien ce projet, voire conduirait plutôt un choix contraire compte tenu de son coût.

À un moment où il est tant question de transition énergétique et où les énergies renouvelables sont en train de conquérir le monde, le village gaulois croit sans doute être le seul à pouvoir faire autrement. C'est dommage, car ce faisant, une fois encore, le Parlement tourne le dos au Nouveau Monde.

 

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/la-loi-et-macron-et-lamendement-sur-les-dechets-radioactifs_b_7768274.html

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