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Cap21 LRC Toulouse

La rupture nucléaire

14 Avril 2015, 08:18am

Publié par Corinne Lepage

La rupture nucléaire

 

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ENVIRONNEMENT - La première semaine d'avril 2015 devrait rester celle de la rupture pour le nucléaire. En effet, au cours de cette même semaine, l'Autorité de Sûreté Nucléaire a émis de très forts doutes quant à la résistance de la cuve et du couvercle du réacteur EPR de Flamanville. Les tests de résistance n'ont pas donné satisfaction; de nouveaux tests doivent être mis en œuvre pour aboutir à un rapport en octobre 2015. Mais on voit mal comment une résistance qui est jugée insuffisante en mars deviendrait par l'effet d'une baguette magique suffisante en octobre.

Les conséquences de cette situation sont très lourdes. Tout d'abord en ce qui concerne l'EPR de Flamanville, qui avait déjà accumulé 5 ans de retard et un triplement de son coût initial, si la cuve et le couvercle du réacteur devaient être refaits, ce sont plusieurs années et un cout astronomique qui devraient être envisagés. Comme de surcroît l'autorisation donnée pour l'EPR de Flamanville exige une mise en service avant le milieu de 2017, le fait que cette mise en service se révèle impossible exigera une nouvelle procédure, une enquête publique et une nouvelle autorisation.

Compte tenu du coût de revient de cette installation et par voie de conséquence du prix au kilowatt heure électricité qu'elle produirait, la question du maintien du projet sera très clairement posée dès lors que les examens à venir aboutiraient au même constat que ceux qui viennent d'être faits; on ajoutera que tout changement dans le constat ne pourrait, s'il existait, que donner lieu aux plus grandes incertitudes sur son bien-fondé et conduire à ce que soit mise en place un contrôle par des pairs européens, comme le prévoit la directive sur la sûreté nucléaire. C'est donc en réalité tout l'avenir de la troisième génération qui est mis en péril en France. Mais, les conséquences ne s'arrêtent pas à la France.

En effet, les deux réacteurs construits en Chine sous joint-venture minoritaire souffrent des mêmes faiblesses. Il est donc plus que probable que les autorités de sûreté chinoise procèdent elle-même à des contrôles et, compte tenu de la compétition qui existe dans l'industrie nucléaire comme dans les autres, il n'est pas certain -c'est un euphémisme- que l'industrie française en sorte renforcée. L'industrie nucléaire française n'a vendu aucun EPR depuis 2007 si ce n'est à la Grande-Bretagne, parce qu'EDF est propriétaire de British Energy. Mais, il est clair que c'est ce nouvel avatar de l'EPR pourrait conduire à une réflexion sur la poursuite du projet.

Or, cette énième difficulté de construction de l'EPR s'inscrit dans un deuxième événement qui s'est produit cette semaine à savoir, la sortie, contre la volonté du gouvernement qui semble-t-il avait interdit sa publication, d'un scénario de l'ADEME, fondé sur 100% d'énergies renouvelables en 2050. Or, ce scénario qui doit être comparé avec d'autres scénarios dont celui d'un nucléaire à 50%, du mix énergétique aboutit à un constat très simple: c'est possible, cela ne coûte pas plus cher en investissements que le nucléaire. Ce scénario rejoint du reste celui de Negawatt et anéantit la bible française du lobby nucléaire: seul le nucléaire est possible car il est moins cher et les énergies renouvelables restent intermittentes.

La volonté du gouvernement de retirer la présentation de ce rapport est extrêmement inquiétante à plusieurs titres; d'une part, elle témoigne d'un choix déjà fait en faveur d'un mix énergétique largement nucléaire en 2050 alors qu'aucun débat n'a été engagé sur ce point. D'autre part, elle illustre un aveuglement qui n'est pas propre au gouvernement actuel mais qui probablement encore pire à l'UMP sur la capacité de la filière nucléaire à perdurer, à offrir à la France une électricité pérenne, peu coûteuse et indépendante, à assurer une capacité exportatrice créatrice d'emplois en France. Tout ceci est purement et simplement faux.

La transition énergétique vers le solaire a débuté dans la majeure partie du monde. Le World Economic forum annonçait cette même semaine la révolution silencieuse qui était en marche: un parc solaire à Dubaï avec un prix de moins de six cents par kilowattheure, soit un prix concurrentiel avec le gaz ou le fossile ; de nouveaux projets solaires au Nigéria pour 1000 MW, en Australie pour 2000 MW et en Inde pour 10.000 MW Selon le the Fraunhofer Institute for Solar Energy Systems, l'électricité devrait être produite entre quatre et six centimes le kilowattheure est en 2050 autour de deux à quatre centimes par kilowattheure.

Cela signifie tout simplement que le nucléaire est condamné pour son prix et ce, à très court terme. Avec un prix de 110 à 140 euros le mégawatt heure, le nucléaire n'est plus du tout compétitif.

Faute de le reconnaître et d'en tirer immédiatement les conséquences, le gouvernement et plus généralement la classe politique et une grande partie du monde économique nous conduisent à l'abîme, c'est-à-dire à dépendre quasi exclusivement d'une énergie chère, dangereuse et dont les réacteurs ne sont plus exportables.

Certes, nos filières d'énergies renouvelables sont faibles car elles ont été volontairement réduites quand elles existaient et étouffées quand elles voulaient naître ; mais nous disposons de quantités de start-ups et d'entreprises qui ne demandent qu'à se développer dès lors qu'on les laisserait faire. Les espoirs dans le stockage de l'électricité, qu'il s'agisse de la filière hydrogène qui se met en place en France ou de la méthanation que nous devrions impérativement développer rapidement à l'instar de ce qui se fait en Allemagne, devraient constituer un très grand pôle de développement industriel.

Nous devons impérativement programmer notre sortie du nucléaire, ce qui signifie de fixer les conditions de poursuite ou non au-delà de 40 ans de nos centrales, en fonction du degré de sûreté et de sécurité, arrêter les investissements dans le secteur du nucléaire de troisième et quatrième génération pour les reporter sur le renouvelable et l'efficacité énergétique, engager immédiatement un plan de formation professionnelle pour permettre la reconversion de nos salariés du secteur nucléaire est conforter la formation de ceux qui sont chargés de la maintenance. Et puisque Areva est dans la situation que l'on connaît, pourquoi ne pas imaginer un mariage entre Areva et EDF énergies nouvelles pour en faire un champion français, en France et à l'étranger, des énergies renouvelables?

Corinne Lepage

 

Source : Huffington post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/la-rupture-nucleaire-test-surete_b_7057174.html

 

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