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Cap21 LRC Toulouse

Ce que le prix Nobel de Jean Tirole nous dit de l'état de l'économie en France

16 Octobre 2014, 08:46am

Publié par Corinne Lepage

 

Notre prix Nobel d'économie, Jean Tirole représente à lui seul un symbole des dysfonctionnements de notre société.

Certes, aujourd'hui, nous sommes tous très fiers d'ajouter au prix Nobel de littérature donné à Patrick Modiano, un prix Nobel d'économie qu'aucun Français n'avait reçu depuis Maurice Allais en 1984 (Tout un paradoxe de voir que celle qui se réclame de Maurice Allais aujourd'hui veuille nous envoyer vers la dystopie dont 1984 de Orwell est un exemple).

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Cet homme, jusqu'à présent totalement inconnu du grand public, est effectivement tout à fait remarquable et c'est précisément là que le bât blesse. Tout d'abord, comment expliquer qu'un homme dont un des livres d'économies les plus connus au monde surnommé le « Tirole » ne soit jamais invité sur un plateau de télévision pour parler d'économie alors que des économistes, toujours les mêmes, viennent régulièrement vendre leur soupe pour asséner leur même « vérité » et pour lesquelles la définition « Quelqu'un qui ne sait pas de quoi il parle, et vous fait sentir que c'est de votre faute, capable de vous expliquer demain pourquoi il s'est trompé aujourd'hui. » est tellement vrai. C'est précisément cette cooptation, dans toutes les sphères françaises de pouvoir, y compris bien évidemment dans la sphère médiatique, qui explique ce conservatisme jacobin et parisien qui surtout ne veut pas ouvrir à d'autres les plateaux de peur sans doute que leurs propres idées ne soient plus reconnues comme les seules légitimes.

Comment expliquer qu'il n'ait visiblement quasiment jamais participé à des groupes de réflexions autour des décideurs politiques même si certains élus ont effectivement songé à l'inviter à s'exprimer devant eux à l'Assemblée nationale.

Ce professeur a créé il y a plus de 20 ans à Toulouse un institut d'économie dans lequel se pressent des étudiants venus du monde entier. Sa réputation est mondiale. Quasiment personne ne le savait en France avant que le comité Nobel ne le reconnaisse. Comment expliquer que le French bashing soit si fort y compris chez nous pour que nous soyons même pas capables de mettre sur le devant de la scène nos success stories universitaires alors que nous ne savons que communiquer sur les mauvais classements Pisa ou de Shanghai. Comment nous priver des leçons que nous pourrions tirer de cette expérience réussie pour d'autres instituts universitaires et plus généralement pour la transformation de l'université française ? Probablement parce que la structure universitaire, par définition opposée à toute innovation conçue en dehors de l'université, ne peut condescendre à s'inspirer d'un autre modèle. Au-delà, cette réussite invite à réfléchir à toutes les réussites économiques de notre pays, celle des startups et des petites et moyennes entreprises dont personne ne parle jamais ou bien peu, qui ne peuvent bénéficier ni des réglementations faites sur mesure pour les grands groupes qui externalisent leur production, ni de la publicité gratuite offerte par les médias mais qui pourtant ont choisi de développer en France leur activité.

Cet économiste qui a écrit de manière très visionnaire à propos du système bancaire dans les années 90 en évoquant le fameux « too big to fail » puis en écrivant sur les conséquences du changement climatique est un innovateur et un réalisateur. Il est vraiment dommage que les gouvernements successifs ne se soient pas emparés de ses propositions préférant les méthodes les plus conventionnelles qui ne sont en aucune manière parvenue à porter les réformes indispensables.

Alors, espérons que ce coup de projecteur amènera un peu de réflexions et de bon sens sur ce qui marche et ce qui ne marche pas, sur les parleurs et sur les faiseux, sur les vraies valeurs et les fausses valeurs.

 

Source : Huffington Post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/prix-nobel-economie-tirole_b_5990880.html

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