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Cap21 LRC Toulouse

Décryptage de la loi sur la transition énergétique

20 Juin 2014, 10:02am

Publié par Corinne Lepage

 

Le projet de loi présenté par Ségolène Royal est un projet consensuel. Il comporte incontestablement des éléments concrets notamment sur le plan du financement pour faire avancer l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Il comporte également des objectifs ambitieux que ce soit sur le plan de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (en cohérence avec les objectifs communautaires envisagés -40% par rapport à 1990), de la promotion des énergies renouvelables (40% d'électricité, 32% de la consommation énergétique finale), de la réduction de la consommation énergétique à long terme (-50% en 2050) et la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique ramenée à 50 %.

Chaque partie peut trouver motif de satisfaction dans ce projet de loi et par voie de conséquence, c'est l'occasion pour les partis politiques qui défendent des visions idéologiques pro ou anti nucléaires d'afficher leur soutien.

Mais, ces postures ne doivent pas cacher la réalité, c'est-à-dire l'extrême fragilité de la possibilité d'atteindre réellement les objectifs indiqués. En effet, le risque est grand que ce projet de loi n'aboutisse sur le plan de la réalité énergétique qu'à des résultats comparables à ceux des lois Grenelle qui affichaient des objectifs ambitieux en matière d'énergie renouvelable d'efficacité énergétique, mais n'ont jamais été atteints.

Rappelons pour mémoire que la loi Grenelle visait 23% d'énergies renouvelables en 2020, niveau dont chacun convient aujourd'hui qu'il ne pourra pas être atteint. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, à supposer que la loi soit votée dans les termes du projet, il est malheureusement probable que la France ne change pas grand-chose à son mix énergétique, ce qui du reste est conforme à la position de l'immense majorité de la classe politique française. Il n'est pas évident que si les citoyens français étaient consultés sur la poursuite du programme nucléaire, car c'est bien de cela dont il s'agit, ils répondraient positivement. Et, il n'est pas anodin de noter que la question nucléaire est celle pour laquelle nos concitoyens considèrent être le moins associés.

Dans un sondage TNS Sofres publié à l'occasion du colloque organisé par la commission nationale du débat public sur le citoyen et la décision publique, 85 % des Français considèrent que le nucléaire et l'énergie sont le domaine dans lequel ils peuvent le moins se faire entendre. Il n'en demeure pas moins que l'exercice n'était évidemment pas celui d'une sortie du nucléaire; il devait être celui d'une réduction de sa part, mais l'opposition était si forte et le lobby nucléaire si puissant que l'on comprend que la ministre ait choisi de faire profil bas en affirmant un objectif connu depuis la campagne présidentielle sans prendre le parti de se donner les moyens de l'atteindre.

Dès lors, il est parfaitement malhonnête de la part de ceux qui se déclarent antinucléaires de pavoiser, et ce, pour deux raisons. La première est qu'ils savent parfaitement que Fessenheim ne fermera pas fin 2016 et qu'en vérité rien dans la loi ne rend obligatoire la fermeture de centrales d'ici 2025. Si par exemple, la consommation électrique augmentait considérablement, la part du nucléaire pourrait être de 50% avec le même nombre de centrales.

La sécurité nucléaire n'apparaît pas comme renforcée et la durée de vie de 40 ans comme principe susceptible d'exception, qui aurait fait de la sécurité un impératif prioritaire, n'est pas retenue. C'est donc un échec total pour les Verts et une violation du contrat passé avec le Parti socialiste en 2012. Car, en réalité, affirmer que les centrales ne fermeront que pour autant que d'autres centrales ouvriront, ce qui se traduit par le plafonnement de la production nucléaire, consiste à affirmer que d'autres centrales seront construites, ce qui signifie clairement qu'un nouveau programme nucléaire se dessine.

Faire semblant, comme le font les écologistes, de ne rien voir est profondément malhonnête.

Mais la question essentielle n'est pas celle-là. Elle est celle de savoir si le pari fait par Ségolène Royal que l'incitation à l'efficacité énergétique et au développement des énergies renouvelables grâce notamment à des facilités réglementaires et financières suffira pour atteindre les objectifs de la loi.

En effet, l'absence de tout débat nucléaire dans le Grenelle de l'environnement a fait capoter tout le volet développement des énergies renouvelables; la question de fond est celle de savoir si, dès lors que la réduction de la part du nucléaire dépend du seul bon vouloir d'EDF, la puissance du lobby nucléaire ne sera pas telle que les objectifs de 40% d'énergies renouvelables et de développement massif des technologies de l'efficacité énergétique ne pourront être atteints.

La question mérite d'autant plus d'être posée que l'UMP ne fait pas mystère de son addiction au nucléaire et qu'une alternance en 2017 pourrait de manière extrêmement facile rendre totalement virtuels les objectifs satisfaisants du projet de loi.

 

Source : Huffington post

http://www.huffingtonpost.fr/corinne-lepage/loi-sur-la-transition-energetique_b_5512883.html

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